Au Canada, les sources d’énergie varient drastiquement selon les provinces et territoires (voir graphique ci-dessous). Cette variation dépend en majorité des ressources disponibles sur le territoire et des infrastructures mises en place (réseaux de distribution d’énergie, usine de production).
Dans cet article, nous nous intéressons à l’impact de cette variation sur la nature des projets d’efficacité énergétique dans le domaine multirésidentiel et commercial. Les sources d’énergie employées pour ces types de bâtiments sont principalement le gaz naturel et l’électricité.
Si un projet veut combiner réduction de gaz à effet de serre (GES) et efficacité énergétique, celui‑ci doit tenir compte de l’émission de GES de chacune de ces sources d’énergie. Le graphique ci-dessous présente les émissions de GES d’un kilowattheure dans les différentes provinces et territoires du Canada. L’émission équivalente du gaz naturel est tracée pour comparaison (moyenne). Les données présentées sont celles datant de 2017.
On distingue trois grandes catégories :
– Jaune : Alberta, Nouvelle-Écosse, Saskatchewan et Nunavut
– Verte : Nouveau-Brunswick, Île-du-Prince-Édouard
– Bleue : Yukon, Colombie-Britannique, Manitoba, Labrador, Territoires du Nord-Ouest, Terre-Neuve-et-Labrador, Ontario
Analysons maintenant les catégories si nous envisageons des systèmes CVCA (systèmes de chauffage, de ventilation et de conditionnement de l’air). Le chauffage du bâtiment et le chauffage de l’eau chaude domestique sont les deux éléments analysés ici; le gaz naturel et l’électricité étant tous les deux possibles.
Catégorie « Bleue » :
Les provinces regroupées dans cette catégorie produisent la majeure partie de leur électricité via les barrages hydrauliques (excepté l’Ontario avec le nucléaire), d’où la faible émission de GES par kilowattheure consommé. Dans cette situation, le gaz naturel est à éviter et à convertir si nous voulons réduire l’émission de GES. Au Québec, des programmes gouvernementaux comme le TEQ (Transition énergétique Québec) subventionnent de tels projets.
Des systèmes de récupération de chaleur électriques sont vivement conseillés.
Pour l’eau chaude domestique, des chauffe-eau électriques ou des pompes à chaleur sont à préconiser. L’analyse tarifaire des coûts d’énergie est également à prévoir.
Catégorie « Verte » :
Le Nouveau-Brunswick produit en majorité son électricité via le nucléaire. L’Île-du-Prince-Édouard en produit via l’énergie du vent, mais en importe la plupart du Nouveau Brunswick. Ici, le kilowattheure est légèrement plus émissif que le gaz naturel (260 gCO2eq/kWh comparé à 180 gCO2eq/kWheq). Qu’il s’agisse de chauffage d’enveloppe, d’air ou d’eau chaude domestique, la différence serait alors négligeable entre électricité et gaz naturel.
Cependant, certains équipements électriques peuvent atteindre aisément des coefficients de performance (COP) de plus de 2. De ce fait, l’électricité serait alors plus « propre » que le gaz naturel pour ce qui est du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard.
Pour le chauffage de l’eau chaude domestique, on pourrait penser à des thermopompes air/eau au lieu de chaudières au gaz. Pour le chauffage de l’espace, un réseau d’eau mitigée avec des thermopompes décentralisées pourrait éviter un réseau à l’eau chaude chauffé via des chaudières au gaz naturel. Dès que le ratio entre électricité (avec COP) et gaz naturel (avec efficacité) est inférieur à 1, l’électricité sera à favoriser pour réduire les émissions de GES.
Catégorie « Jaune » :
Les provinces et territoires regroupés dans cette catégorie produisent la majeure partie de leur électricité via le charbon. Le charbon émet de nombreux GES. La production d’électricité est nettement plus émissive que celle du gaz naturel. Même avec un COP de 3 en électricité, l’émission de GES d’un kilowattheure reste plus élevée que pour un kilowattheure équivalent de gaz naturel. De ce fait, le gaz naturel est envisageable pour certains usages.
En conclusion, la nature d’un projet de réduction d’émissions de GES doit tenir compte de la source de production de l’électricité. À terme, les sources d’énergie de l’électricité se verront de moins en moins émissives et le gaz naturel sera de moins en moins recommandé. L’Accord de Paris, adopté par le Canada et 194 autres pays en 1995, vise notamment une réduction de 30 % des émissions de GES comparativement à 2005. En attendant, le gaz naturel renouvelable est à considérer dès lors que celui-ci est disponible.
De plus, il est à noter que l’aspect financier des projets n’est pas pris en considération dans l’analyse : coût unitaire des énergies, coût d’achat des équipements électriques par rapport à ceux au gaz naturel, etc. Ainsi, l’efficacité d’énergie et l’optimisation doivent donc impérativement faire partie d’un projet de réduction de GES.
Quoi qu’il en soit, l’efficacité énergétique demeure une stratégie payante pour le développement durable.